« Les soeurs avaient à peine eu le temps de faire le tour du cimetière tout en chuchotant entre elles et en s’arrêtant de-ci de-là pour papoter avec des connaissances, quand la robe de soie d’Aliide se prit dans une volute de fer de la clôture d’une tombe, et elle se pencha pour la détacher. Alors elle vit un homme du côté des tombes allemandes, lui à côté du muret, les saules, le soleil et les mousses du muret, une lumière claire, un rire clair. L’homme riait avec quelqu’un, se baissait vers ses lacets défaits et continuait de parler, tournait le visage vers son ami tout en renouant ses lacets, se relevait aussi souplement qu’il s’était baissé. Aliide oublia sa robe et se redressa sans avoir détaché l’ourlet. Le bruit de la soie qui se déchirait la rappela à la réalité et elle détacha le tissu, secoua les traces de rouille de ses mains. Dieu merci, l’accroc était petit. Peut-être qu’on ne le remarquerait pas. Peut-être qu’il ne le remarquerait pas. Aliide lissa ses cheveux, sans les toucher avec les mains. Regarde. Aliide se mordit les lèvres pour les rendre rouges. Elles pourraient tout naturellement faire demi-tour, repasser devant le muret. Regarde par ici.
Regarde-moi. L’homme finit sa conversation et se tourna vers elles, à cet instant précis Ingel se retournait pour regarder ce qui plaisait à Aliide, et à ce même instant le soleil atteignit la couronne de cheveux de la soeur et – non, non! regarde-moi! – Ingel redressa son cou à sa manière et ainsi elle faisait penser à un cygne, leva le menton, et ils se virent, l’homme et Ingel. »
11 Comments
C’est un peu triste, finalement, c’est Agiide qui a repéré le mec, mais lui, il a repéré sa soeur Ingel ? ( ou j’ai pas trop compris xD)
C’est beau.
J’ai adoré ce livre, avec des passages un peu dur mais très bon livre, et pour moi qui vit en Estonie, j’ai retrouvé un peu de l’atmosphère et la description des paysages est très fidèle.
Une bien jolie lecture
je viens de le finir et j’ai beaucoup aimé ! Du coup, je viens d’entamer les vaches de Staline, du même auteur!
Bonjour Mathilde,
Un des points forts de ton blog est bien celui-ci : l’invitation à l’échange des idées, l’interaction avec tes lectrices (lecteurs aussi ?), le partage d’idées et d’émotions. Merci pour cet espace.
Quant au passage d’Oksanen. Comme Did, j’ai ressenti le besoin de lire l’extrait du livre ci-dessus attentivement pour mieux saisir le texte. Ah, la séduction… Sujet bien propre aux femmes. Il y a là matière à discussion.
J’ai été intriguée par la suite : que fait Aliide pour déjouer la frustration ? Que fait-elle de la jalousie, d’un éventuel sentiment d’infériorité ? Il faut pour cela lire le livre, certes, mais cette curiosité émergeante est déjà quelque chose d’intriguant à ressentir.
Je trouve ce passage très fort et magnifique. Un livre de plus dans mes envies de lectures…
J’ai beaucoup aimé ce livre qui ne peut laisser indifférent.L’histoire de cette fille en Estonie m’a tenue en haleine pendant toute la lecture et m’ a suivie pendant de longues semaines après avoir refermé le roman .C ‘est un très bon livre ,parfois dur ;merci pour ce blog ,plein de créativité .
@ Did : et encore, tu n’as pas vu la deuxième histoire en parallèle dans le bouquin!!
@ La maison Violette : Oui, le passage m’a vraiment marquée. Ce doit être terrible, ce genre de situation.
@ bisoudoudou : ça m’a donné envie d’aller visiter ces pays, figure-toi. Des forêts, de la campagne un peu sauvage, des personnages un peu rudes, du froid, c’est exactement ce que j’aime.
@ lathelize : ahan, tu me diras le 19 si tu me le conseilles aussi! 🙂 Décidément, nos goûts se croisent souvent!
@ France : Merci beaucoup pour ton commentera. J’avoue me dire à chaque fois que je poste un extrait de lecture que, probablement, ça n’intéresse pas grand’monde, les lectrices étant pour la plupart plutôt intéressées par la couture et le tricot que par la littérature… mais bon, c’est une autre passion dans ma vie, et comme moi je suis toujours à la recherche de nouveaux livres à lire, je me dis que ça peut donner des idées à deux-trois personnes! Je suis contente que l’extrait t’ait peut-être donné envie d’en savoir plus… Le livre ne se limite pas à cette histoire d’amour que l’on pressent malheureuse, c’est un roman sur l’après-guerre, le communisme, les femmes, vraiment un livre très marquant.
@ Dididoumdida : ah, chouette! C’est que j’ai atteint mon but! 😉
@ Nicole : Merci! 🙂 Comme toi, j’ai été happée par le livre, et encore maintenant, plusieurs semaines après l’avoir lu, j’y repense. L’histoire, les histoires, sont terribles. Mais quelle force!
Je découvre ton blog…et ce que je vois me plaît beaucoup! quel beau projet ce 365!…bon, il faut être calée calée couturesquement parlant pour le tenter! moi, j’ai encore un peu de boulot…;) sinon j’ai lu « purge » moi aussi…j’ai trouvé ça archi-violent, mais en fait, on le supporte, et ça m’a semblé être le propos du livre. Du coup, ça m’étonne moins d’avoir aimé…
J’ai beaucoup aimé ce livre, même si par moment trés dur à lire.
Bon, ayèèèèèèèèè ! Je l’ai lu !
Pfiou, 8 mois plus tard.
Bon, je savais que c’était un livre sur la guerre et tout et tout mais avec le passage que tu citais, je me disais, « tiens, un peu de romance dans tout ça »
Du coup, j’en ai parlé dans mon article de ce soir, mais moi j’ai pas du tout parlé de ce passage là !